La formation des grottes

Il existe sous terre des vides parfois de grandes dimensions, ce sont les grottes. Les
observations qu’on peut y faire montrent que ces grottes ne sont pas situées n’importe
où et qu’elles présentent une certaine organisation. C’est dans la genèse de ces vides
qu’il faut rechercher l’explication de la formation des grottes.

Alain Mangin

La formation des grottes est avant tout un mécanisme chimique

Leur exploration et leur étude systématique montrent qu’elles ne sont pas distribuées au hasard dans l’écorce terrestre.

En effet à quelques exceptions près, elles se sont formées dans une famille de roches particulières, les calcaires, dont une des propriétés essentielles est d’être facilement attaqués et dissous par des solutions acides.

Ce processus, d’attaque superficielle des roches par des agents chimiques, constitue “la corrosion”. Il est à l’origine du creusement des cavités.

C’est toutefois l’eau et sa circulation qui constituent les facteurs essentiels de la formation des grottes.

Indispensable à la corrosion, l’eau véhicule d’une part les solutions acides et les produits dissous et d’autre part entraîne à l’extérieur les débris et les résidus des processus chimiques de la dissolution.

Les calcaires possèdent la propriété d’être dissous par les acides, comme le vinaigre.
Ce sont aussi des roches perméables, grâce aux cassures (failles, fractures, fissures)
qui les parcourent. Or, l’eau qui les parcourt est acide grâce au gaz carbonique qu’elle
a dissout dans la traversée du sol. Ainsi, l’eau dissout le calcaire en circulant dans les
fissures qu’elle élargit jusqu’à créer des grottes.

formationdesgrottes_dargilan

L’orientation des grottes est également dépendante des actions mécaniques

Pour que l’eau puisse les dissoudre, il faut qu’elle puisse pénétrer à l’intérieur des calcaires.
Or, en règle générale, ces derniers sont quasi imperméables (perméabilité très faible,
correspondant à des vitesses d’écoulement de quelques millimètres par jour).

shema zone karstique formation des grottes
Schéma zone karstique par Alain Mangin

C’est là que les propriétés mécaniques de la roche interviennent. En effet, sous l’action des
contraintes tectoniques, les calcaires se déforment de façon cassante.

Ces cassures vont créer une perméabilité secondaire qui permettra à l’eau de s’écouler. Comme les contraintes n’ont pas la même intensité dans toutes les directions de l’espace (propriété d’anisotropie), la répartition des cassures va elle-même suivre des directions bien définies.

Lors des déformations d’origine tectonique, toutes les fissures présentes au sein des calcaires
n’ont pas les mêmes propriétés. Certaines sont en compression, d’autres en distension.
Seuls les plans en distension (perpendiculaires aux directions d’extension) ont le
pouvoir de laisser passer l’eau, raison pour laquelle on les appelle plans de drainage. Ces
plans de drainage correspondent aux cassures purement tectoniques, telles les diaclases,
à la reprise de discontinuités existantes, tels les joints de stratification, voire aux effets
d’une tectonique antérieure.

En dehors des cassures, la déformation crée toute une série de modifications appelées tectoglyphes (veinules, stylolitbes, faille,etc.). C’est l’identification de ces indices et leur orientation qui permet d’établir loi de distribution des plans de drainage. C’est cette loi de distribution qui est celle des galeries de grottes.

On constate ainsi que la tectonique, par ses effets, met en place un réseau de possibilités
dont certaines seulement sont utilisées pour la création des grottes. Il faut donc faire
appel à d’autres explications pour comprendre l’organisation de ces grottes.

La distribution des écoulements est le mécanisme clé pour comprendre l’organisation des grottes

L’écoulement l’eau constitue l’élément essentiel de l’organisation des grottes.

Nous avons vu qu’il intervenait par rapport à la vitesse des réactions chimiques sur l’ampleur de la dissolution. C’est lui également qui, en raison de l’apparition de zones à plus forte perméabilité
souligne le réseau de fractures. Mais son action la plus fondamentale est contenue dans le rapport réciproque entre la quantité d’eau et le processus de dissolution induit par l’hydrodynamique. En effet, plus il y aura d’eau, plus la dissolution sera importante, mais inversement plus les vides seront grands, plus l’eau aura tendance à être drainée par eux. C’est l’apparition d’un phénomène d’autorégulation.

Il en résulte que les potentialités de création de cavité ne sont pas les mêmes sur l’ensemble d’un massif calcaire, mais augmentent progressivement de l’amont vers l’aval avec création de drains. Il en découle une deuxième loi de distribution des vides liée à l’organisation du drainage. On parle de structure qui possède une géométrie très particulière, dite fractale, qui correspond à :
– une organisation hiérarchisée de l’amont vers l’aval,
– au fait que un détail d’une cavité, dans son organisation, fournit une bonne image de
l’organisation globale du réseau.

C’est à l’ensemble de l’organisation des vides liée à l’hydrodynamique que l’on donne le
nom de karst.